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De la lumière dans le salon (3/3)

De la lumière dans le salon (3/3) Posted on 25 mars 2015Leave a comment

Pluton

La planète naine était de plus en plus reconnaissable au fil des heures sur l’écran de contrôle et déjà il sentait monter en lui cette pression qu’il s’était efforcé d’oublier. Depuis l’établissement des traités, Terre et Mars menaient une course folle contre l’Histoire : l’humanité devait trouver une nouvelle maison pour poursuivre son développement.

Pluton n’était certainement pas cette nouvelle maison mais une porte vers l’extérieur, vers cette nouvelle page qu’il faudrait pouvoir écrire. Il avait été choisi comme responsable de cette mission car il avait été celui par qui la synergie des deux mondes avait pu devenir réalité, sauf que cette fois c’était tellement d’espoirs portés qu’il sentait un poids écraser son cœur à mesure que l’ombre circulaire grossissait sur l’écran.

Repérer un site puis installer un centre de recherche sur l’un des pôles de Pluton, telle était la mission qui lui avait été confiée. Sur le papier, ce n’était pas grand chose mais le fait de ne pouvoir rentrer avant plusieurs mois n’aidait pas son angoisse… Et puis il y avait cette base, la première du genre, unique même, réunissant tout ce que l’humanité pouvait faire de mieux. Une base gigantesque déjà tellement imposante non déployée qu’elle devait être tractée. Une fois déployée, un dôme viendrait protéger l’ensemble et les robots prendraient le relai pour préparer une venue humaine dans les jours suivants.

Ces mois dans la base seraient dans un premier temps destinés à des tests dont il ne comprenait pas la moitié des termes puis finalement viendrait l’heure pour ces meilleurs hommes de réaliser le grand saut…

Station Kuiper

Déjà trois mois qu’ils étaient installés et les premiers tests se montraient plutôt concluants. Chimpanzés et appareils donnaient les résultats attendus mais il était encore trop tôt pour crier victoire. Il restait toujours les grands tests sur la propulsion supraluminique et si ici la distance avec le soleil était suffisante, elle n’était cependant théoriquement pas sans risque. Cette technologie un temps perdue sur Terre avait été retrouvée dans ce qu’il restait des bases de données de l’ancienne Union Aérospatiale Mondiale (UAM). Plusieurs siècles déjà que l’humanité aurait théoriquement pu s’astreindre des lentes propulsions utilisées jusque là pour naviguer dans le système solaire, mais la guerre intercontinentale avait tout enterré, et ces secrets technologiques s’étaient perdus dans les ruines d’un monde oublié, noyées sous les radiations. Combien de sacrifiés avaient dû donner leurs vies pour récupérer ces quelques données qui allaient peut-être bien sauver l’espèce entière d’un système sur le déclin?

Les tests étaient bons à 70% mais le plus dur était à venir, passer de la théorie à la pratique…

Desserrer la ceinture

Dix, neuf, huit… la voix sembla s’éteindre sous la pression que devaient supporter ses tympans, signe d’une anxiété dont il ne pouvait plus ignorer les effets. Élancé à une vitesse déjà élevée à travers les corps célestes de modeste envergure, il devait être d’ici une poignée de secondes le premier homme à voyager à une vitesse supraluminique. Revenant à se concentrer sur le moment présent, il se rendit soudain compte qu’il venait d’entendre « deux, un » puis l’extérieur déjà sombre et éloigné du soleil devint alors totalement noir et opaque. Cette obscurité prononcée ne dura pas plus d’une minute et lorsqu’elle prit fin, la ceinture et ses nombreux corps célestes avaient disparu.

Les écrans étaient déphasés suite à ce qui semblait être un brusque changement de coordonnées. Effectuant une manœuvre pour retourner son vaisseau, il pu voir apparaitre petit à petit sur son écran de contrôle ce système solaire dont il faisait partie il y a encore peu. Le soleil, si petit et si éloigné… Il avait déjà flirté avec les limites jusque là, mais jamais rien de comparable.

Dum spiro, spero

Nous y voilà, des millénaires durant lesquels l’être humain a chanté tant d’histoires sur les étoiles que l’imagination le permet il ne restera plus que celle-ci : un millier d’hommes et de femmes embarquant dans ce qui pourrait être une arche de Noé, destination l’éternité. Ésus, autrefois dénommée Kepler-186 f, sera le nouvel espoir d’une humanité à l’agonie. « Espoir-1 » c’est le nom de ce vaisseau, le deuxième du genre, le premier de cette ampleur. Quelques soient leurs qualifications, toutes les personnes à bord ont un rôle décisif à jouer dans la première page du grand livre intergalactique de la race humaine. Un rôle voué à l’oubli pour la plus grande partie, mais Ô combien vital: la perpétuation.

Cette course contre l’extinction, débutant il y a 8 ans avec les premières données terrestres captées, se terminant par la terraformation précipitée d’une planète inconnue et pourtant depuis longtemps observée. Bien sûr il faudra des générations pour s’assurer de l’habitabilité à long terme de ce nouveau monde, mais déjà l’espoir est immense. Le vaisseau s’enfonce petit à petit dans la ceinture de Kuiper et disparait sans un bruit, mais déjà cette page qui se tourne annonce l’abandon d’un système solaire mourant, surexploité et désormais inhospitalier. Que le dernier habitant de cette Terre déjà si sombre daigne éteindre, car jusqu’ici il restait de la lumière dans le salon.

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